Proposition évolutive
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Proposition préliminaire d’un projet d’expérimentation d’une assurance-revenu de base inconditionnelle et universelle pour les personnes habitant la Gaspésie-Les-Îles et le Bas-Saint-Laurent.PublicationsPauvreté,Plus démunies,Revenu minimum,Revenu garanti,Bonaventure,La Côte-de-Gaspé,La Haute-Gaspésie,Les Îles-de-la-Madelaine,Le Rocher-Percé,Les Basques,Kamouraska,Matane,La Matapédia,La Mitis,Rimouski-Neigette,Rivière-du-Loup,Témiscouata,QuébecProposition évolutive
Proposition préliminaire d’un projet d’expérimentation d’une assurance-revenu de base inconditionnelle et universelle pour les personnes habitant la Gaspésie-Les-Îles et le Bas-Saint-Laurent. Avec archivage des versions précédentes
- Alliance pour le revenu de base régions de l’est Bas-Saint-Laurent et Gaspésie-Les-Îles (Juillet 2018)
Table des matières
1Prologue : la raison d’être de ce projet 2Résumé 3Introduction 4Rappel des notions du revenu de base 5Rappel du lien entre la santé, la pauvreté et l’exclusion sociale 6Rappel de la situation socio-économique de la région 7Validité du projet 8Conclusion 9Annexes Version PDFTable des matières
Prologue : la raison d’être de ce projet
La prémisse de ce projet est que toutes les personnes qui vivent sur cette terre ont un droit inaliénable et égal à la vie et au bonheur. La Déclaration universelle des droits de l’Homme a marqué une grande avancée dans la pensée humaine. Encore faut-il la mettre concrètement en œuvre. Le Québec et le Canada ont fait de grand pas dans cette direction avec leur système d’assurance-santé universel, l’accès universel à l’éducation et le programme de pension et de supplément de revenu garanti pour les personnes âgées. Dans cette même lancée nous proposons un projet de démonstration d’un programme universel d’assurance-revenu de base.
Avec sa loi de 2002 sur la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale1, le Québec fait bonne figure parmi toutes les provinces et territoires canadiens. Les plans d’action qui se sont succédé depuis2 ont proposé plusieurs solutions. Comme nous le verrons, ces initiatives répétées depuis plus d’une quinzaine d’années n’ont cependant pas vraiment porté fruit. La proportion de personnes pauvres et exclues dans notre société reste stable en dépit de tous les programmes mis en place jusqu’ici. Il nous faut changer de paradigme.
Par ailleurs notre monde a changé. L’émergence de l’intelligence artificielle dans nos vies change dramatiquement la façon dont nous produisons les biens et les services. Elle change aussi la façon dont nous nous répartissons la richesse. Les inégalités sont croissantes partout et l’extrême concentration des richesses risque de nous entraîner dans des conflits sociaux dont il n’est pas possible de mesurer les conséquences. Sur un plan individuel, l’adaptation à ces transformations exigera des changements de carrières, des retours aux études, de nouveaux projets artistiques ou d’affaires, etc.
Changer l’organisation sociale peut faire peur. Assez peur, en tous cas, pour qu’aucun des partis politiques qui prétendent vouloir nous diriger n’ait eu l’audace de proposer un changement qui remette en question ce que nous croyons trop souvent fermement. Une grande partie de notre population croit encore que le bonheur n’est pas un droit mais qu’il se mérite. Des milliers d’années de martelage de phrases telles que « Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front ! » ou « Qui ne veut pas travailler, qu’il ne mange pas non plus ! »3 nous ont profondément marqués.
Nous ne sommes peut-être pas prêtes à un changement qui toucherait toute notre société. Nous vous proposons d’observer ce qui se passe dans un territoire qui voudrait tenter l’aventure. C’est le but de ce projet de démonstration proposé par toutes les habitantes de cette partie du territoire québécois que l’on appelle le Bas-Saint-Laurent, la Gaspésie et les Îles-de-la-Madelaine. Nous proposons d’allouer, à chaque personne qui vit sur ce territoire, un revenu de base qui permet de se nourrir, se vêtir, se loger, se déplacer et communiquer. Nous proposons aussi un supplément de revenu aux personnes dont le revenu serait insuffisant pour sortir de la pauvreté. Ce revenu sera garanti sans condition pendant les vingt prochaines années, à toute personne depuis sa naissance ou son installation dans le territoire, jusqu’à sa mort ou jusqu’à ce qu’elle quitte le territoire pour s’installer ailleurs.
Nous sommes confiants que ce petit changement réduira drastiquement la pauvreté et l’exclusion sociale, renversera la tendance démographique, stimulera l’économie et ramènera la prospérité et la richesse dans nos belles régions où il fait déjà si bon vivre.
- Québec, Chapitre L-7, Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale.
-
Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale 2017-2023, ;
Plan d’action gouvernemental pour la solidarité et l’inclusion sociale 2010-2015, ;
Plan d’action gouvernemental en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale 2004-2010, ; - Thessaloniciens 3, 10
Résumé
Depuis l’évocation de l’idée de donner à manger aux gens plutôt que de leur couper les mains pour les empêcher de voler, énoncée par Thomas More dans son œuvre Utopia4 au seizième siècle, de multiples expériences d’une forme ou d’une autre de revenu de base ont eu lieu. Toutes ces expériences ont montré que cette allocation constituait un tremplin pour l’inclusion sociale, le développement de l’entreprenariat et la réduction de la discrimination.
Au Québec, une quinzaine d’années après la promulgation de la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, force est de constater que la proportion des gens de chez nous qui n’ont pas les moyens de subvenir à leurs besoins de base tourne toujours autour de 10%. Malgré les nombreux programmes gouvernementaux et les milliards investis, ces personnes ont un revenu inférieur au seuil de survie établi selon la Mesure du panier de consommation (MPC). Elles vivent en empruntant sur leur espérance de vie.
Comme les programmes mis en place pour les soutenir exigent qu’ils se soumettent à un examen pour démontrer qu’ils sont réellement pauvres, ils accroissent le phénomène d’exclusion sociale. Cette situation serait encore plus intolérable si nous n’avions pas un accès universel aux soins de santé et à l’éducation et si nos personnes de 65 ans et plus n’avaient pas droit à un revenu minimal.
Pour progresser, il faut penser autrement. Après l’accès universel à des soins de santé et des services sociaux, après l’accès universel à l’éducation, après l’accès universel à un fonds de pension pour les personnes de 65 ans et plus, il nous faut mettre en place un autre programme universel pour nous assurer que chaque personne, quel que soit son âge, puisse disposer des ressources suffisantes pour se nourrir, se loger, s’habiller, se transporter, communiquer, etc. Il serait souhaitable qu’une approche de revenu de base soit implantée d’emblée sur tout le territoire du Canada ou du Québec. Plusieurs forces vont dans ce sens. Mais, en absence d’adhésion suffisante, un ou des projets d’expérimentation pourraient permettre de dégager des leçons et contribuer à l’obtention d’un consensus social. La région du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madelaine (BSLGÎM), se prêterait bien à ce genre d’expérience.
Ce document discute de la pertinence d’un projet de démonstration et propose quelques paramètres pour mettre en place cette expérience. Toute personne habitant le territoire se verrait allouer un revenu inconditionnel calculé selon la méthodologie de la Mesure du panier de consommation (MPC). Le montant du revenu serait recalculé sur une base annuelle et ajusté selon la Municipalité régionale de comté (MRC) de résidence. Il serait versé aux deux semaines dans un compte bancaire. Pour éviter la trappe de la pauvreté et favoriser la participation à la vie économique et sociale, ce remboursement serait pondéré en fonction du revenu déclaré. Aucun remboursement ne serait exigé pour un revenu net de moins de 150% de la MPC. On estime que cette mesure contribuerait efficacement à lutter contre la pauvreté, à anticiper avec flexibilité les changements dans le monde du travail, à stimuler l’économie locale et à relancer la croissance démographique et économique du territoire.
Introduction
En 2016, Céline Bellot, présidente du Comité de direction du Centre d’étude sur la pauvreté et l’exclusion (CEPE) écrivait ceci :
En décembre 2002, l’Assemblée nationale adoptait à l’unanimité la Loi visant à lutter contre la pauvreté et l’exclusion sociale, proclamant ainsi, « la volonté de l’ensemble de la société québécoise de se mobiliser » pour « tendre vers un Québec sans pauvreté ». Parmi, les objectifs de cette loi, celui d’amener « progressivement le Québec d’ici le 5 mars 2013 au nombre des nations industrialisées comptant le moins de personnes pauvres, selon des méthodes reconnues pour faire des comparaisons internationales ».
...
Force est de constater que le Québec n’a pas réussi son pari d’être dans le premier groupe de pays industrialisés qui connaissent le moins de personnes pauvres. Les analyses montrent davantage que depuis 2002, le Québec a connu des améliorations jusqu’en 2008, des reculs depuis. Ainsi, globalement, les taux de faible revenu sont demeurés stables. C’est d’ailleurs ce que soulignait le comité de direction du CEPE dans son mémoire lors des consultations publiques pour le Troisième plan d’action gouvernemental de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, en soutenant qu’il fallait « faire plus, et faire mieux » 5.
Ce que nous proposons ici est de faire autrement en menant une expérience d’assurance-revenu de base universelle et inconditionnelle dans les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine (BSLGÎM).
Rappel des notions du revenu de base
« Revenu minimum garanti, revenu de citoyenneté, allocation universelle, revenu d’existence... L’idée d’assurer un revenu inconditionnel de base à l’ensemble de la population porte plusieurs noms. »6 Cette idée n’est pas nouvelle. Dès le XVIe siècle, « dans son Utopie7, Thomas More suggère qu’au lieu de pendre les voleurs pour essayer de réduire les larcins, il serait plus efficace de régler le problème à sa source, soit d’éliminer le besoin de voler pour se nourrir en donnant les moyens de subsistance à tous et toutes »8. Par la suite, Thomas Paine, Lord Beveridge, Milton Friedman, et, plus près de nous, Marie-Pierre Boucher, Philippe Van Parijs, Yves Duclos, Guy Standing et François Blais, entre autres, ont approfondi la question.910 Dans un contexte plus large, Rutger Bregman11 arrive aussi à la conclusion qu’il est temps que l’on songe sérieusement à instaurer un revenu de base universel et inconditionnel pour faire face aux défis de l’évolution de nos sociétés.
Thomas Payne justifiait ainsi le revenu de base dans son ouvrage Justice Agraire12. « La conservation des avantages attachés à ce qu’on appelle l’état de civilisation, doit être, avec la guérison des maux qu’il a produits, un des premiers objets de toute législation qui tend à se réformer. ... C’est une question sujette à de grands débats, que de savoir si cet état qu’on appelle avec orgueil, et peut-être par erreur, état civilisé, a plus contribué à avancer qu’à faire rétrograder le bonheur général des hommes. D’une part, le spectateur est frappé de l’éclat des dehors les plus éblouissants ; de l’autre, il est navré du spectacle de la plus profonde misère : l’un et l’autre sont l’ouvrage de la civilisation. Les plus hauts degrés de l’abondance et du dénuement se trouvent réunis dans les pays qu’on appelle civilisés. »
Il suggère que, dans un état naturel, la terre est un bien commun. La propriété privée serait donc apparue dans l’état civilisé et devrait concerner la production due aux améliorations et au travail de la terre, non pas la terre elle-même. Ainsi, les propriétaires devraient compenser les membres de la société pour l’utilisation d’un bien qui autrement serait commun. Un fonds cumulant des rentes foncières à la charge des propriétaires permettrait une redistribution à toutes les personnes formant la société.
« La culture est de toutes les inventions de l’esprit humain, la plus féconde en résultats utiles pour l’amélioration des dons de la nature : elle a décuplé la valeur primitive de la terre ; mais le monopole territorial, qui a commencé en même temps à s’introduire, a causé les plus grands maux. Il a dépouillé de leur héritage naturel plus de la moitié des habitants, dans chaque pays, sans leur assurer, comme il était indispensable de le faire, une indemnité pour cette perte. Il est devenu la source d’une espèce de pauvreté et de misère, jusqu’alors inconnue, et qui n’eût jamais existé. »
L’analyse de Thomas Payne introduit donc une notion de réciprocité entre propriétaires et société en amenant le principe « que la condition des individus qui naissent après l’établissement de cet état [civilisation], ne soit pas plus malheureuse qu’elle ne l’aurait été s’ils étaient nés avant cette époque [état naturel] ». Cette analyse date tout-de-même d’un peu plus de deux siècles et se situe dans une économie principalement agraire. L’économie s’est grandement diversifiée depuis et la richesse se crée maintenant de bien des façons. Cette création de richesse contribue sensiblement à l’opulence des classes aisées, souvent au détriment des classes plus pauvres, dérogeant ainsi du principe cité plus haut.
Il est bien entendu parmi les promoteurs d’un revenu de base qu’un tel programme servirait à mieux redistribuer la richesse. Il faut comprendre que cette richesse se crée à partir de ressources qui nous appartiennent collectivement et qu’il serait normal que la collectivité en retire des dividendes à partager également entre ses membres.
Le concept de revenu de base universel et inconditionnel est peut-être contre-intuitif dans nos sociétés. Ce qui expliquerait qu’il n’ait jamais été implanté à large échelle malgré les bénéfices théoriques qu’on lui prête. En effet, le revenu a ici une charge émotive identitaire extrêmement forte pour les personnes. On s’imagine que les personnes qui seraient assurées d’avoir les ressources suffisantes pour se nourrir, se vêtir, se loger, se transporter et communiquer avec les autres, perdraient ainsi toute motivation au travail. Cette pensée, strictement linéaire, assume que la motivation pour le travail vient essentiellement du revenu qu’on en tire. Or, de très nombreux contre-exemples invalident cette idée. On a qu’à penser à l’ardeur qu’une foule de bénévoles mettent dans leurs activités pour s’en convaincre. Par ailleurs, on a de trop nombreux exemples de fraudes, de corruption et de laisser-aller parmi celles et ceux qui ont pourtant des revenus faramineux. En fait, participer à la vie sociale, que ce soit par un engagement dans une organisation bénévole ou par une implication dans le marché du travail, est en soi une source de valorisation. Mais pour participer, il faut que nos besoins de base soient comblés.
Un revenu de base universel et inconditionnel engendre aussi un changement culturel majeur. Il incarne dans la réalité les principes des diverses chartes des droits131415 qui nous touchent. Il s’inscrit dans une vision de l’humanité où chaque personne participe au bonheur des autres.16 Il respecte tous les cheminements particuliers. Il s’oppose au modèle qui veut que les gens aient besoin de souffrir de la faim pour être motivés à travailler et à contribuer à la vie de la société. Le revenu de base valorise toutes les autres formes du travail non rémunéré qui occupent la grande majorité de la population (le bénévolat, le soin des enfants et des personnes non autonomes ou en perte d’autonomie, les arts, les activités spirituelles, les études, etc.) Ce changement culturel est en phase avec le changement des modes de production que nous connaissons désormais.
À l’aube d’une quatrième révolution industrielle, alors que l’insertion du numérique dans le monde du travail permet une plus grande contribution des machines, le champ du travail rémunéré se rétrécit17. Or les machines qui créent la richesse n’ont pas de revenus que l’on peut imposer. Tout comme l’allocation universelle de base permettrait de se débarrasser de tous les efforts considérables et improductifs que requièrent tous les contrôles des programmes que nous mettons en place actuellement pour soutenir le revenu, la fiscalité à développer dans ce contexte pourrait être simplifiée.
Les leçons des expériences de revenu de base
En 2010, un rapport d’évaluation d’un projet pilote de réinsertion d’itinérants qui s’était déroulé à Londres18 a montré que d’offrir de répondre à leurs besoins de base sans condition à des personnes itinérantes était un puissant déclencheur de réinsertion sociale.
Dans une toute autre région du monde, au Kenya, une organisation de coopération internationale, GiveDirectly, a décidé de donner aux gens d’un village qui vivaient avec 2$ par jour, un somme de 500$, inconditionnellement19. Le résultat a été spectaculaire. Trois mois plus tard, « ...les maisons avaient été réparées et de petites entreprises avaient vu le jour. Bernard avait investi son argent dans une mobylette indienne... et gagnait entre six et neuf dollars par jour en faisant le taxi. Son revenu avait plus que triplé. »20
En Ouganda, deux expériences ont été menées. Dans la première, on distribuait 400 dollars à 12 000 jeunes de 16 à 35 ans, alors que dans la seconde on offrait 150 dollars à 1 800 femmes défavorisées du nord du pays. Dans les deux cas, les revenus subséquents de ces personnes ont augmenté de façon significative. Une autre expérience « Village One » y est maintenant en cours.21
On s’imagine aussi que d’assurer les besoins de base à toutes les citoyennes peut appauvrir l’économie. Or l’économie est fondée d’abord sur la satisfaction des besoins incompressibles que sont se nourrir, se vêtir, se loger, se transporter, communiquer avec les autres, etc. En réalité, une société qui assure les besoins de base de ses membres investit plutôt massivement dans son économie domestique. On pourrait montrer qu’une société qui investit dans une allocation universelle qui garantit les besoins de base de ses citoyens se prémunit contre les effets des cycles économiques qui induisent régulièrement des crises. En effet, en consacrant une part importante du produit intérieur brut (PIB) à la production des biens et services de base, on induit une stabilité dans la croissance économique liée à la croissance démographique.
Trop peu d’expériences d’application du revenu minimal garanti ont eu cours. Mais les quelques expériences que l’on peut recenser (Otjivero et Omitara, Namibie, 2008-2009, Alaska Permanent Fund et le Mincome, Manitoba, Canada, 1974-1978, par exemple), malgré des approches très différentes et des contextes disparates, donnent des résultats étonnamment semblables.
Otjivero et Omitara a été une brève expérience d’allocation universelle modeste aux personnes de moins de 60 ans, volontaires pour participer au projet. Alaska Permanent Fund est une rente pétrolière variable distribuée à tous les habitants de l’Alaska depuis environ 30 ans. Le Mincome s’adressait à des volontaires de la ville de Dauphin qui ont bénéficié d’un impôt négatif pendant quelques années.
Les leçons tirées de ces trois expériences sont que, pour les gens qui reçoivent une allocation, on note une :
- Augmentation de l’incitation au travail,
- Incitation à poursuivre des études,
- Diminution des taux d’hospitalisation, d’accidents, des problèmes de santé mentale et des maladies infantiles,
- Diminution de la malnutrition
- Diminution des taux de criminalité
- Rétention et attraction de populations
- Augmentation de la consommation
- Augmentation de la cohésion sociale
Plusieurs pays ont songé à un moment ou l’autre à mettre en place une forme d’allocation universelle. Sous Nixon, en 1970, le Congrès avait adopté une législation en ce sens, bloquée ensuite par le Sénat (Family Assistance Plan)22. En Finlande, un projet limité est en cours.23 L’Ontario se lance aussi dans l’expérimentation du concept.24
- Eve-Lyne Couturier, Revenu minimum garanti : trois études de cas, Institut de recherche et d’informations socio-économiques, avril 2013, consulté le 15/1/5, p. 1 ;
- Utopia (book) ;
- Eve-Lyne... ibidem, p. 3 ;
- Eve-Lyne... ibidem, p. 3, 5 et 9 ;
- History of basic income, BIEN, consulté le 15/1/14 ;
- Rutger Bergman, Utopies realistes, Le Seuil, 2017, 248 p. ;
- PAYNE, Thomas, 1797, La justice agraire opposée à la loi et monopole agraire, ou plan d’amélioration du sort des hommes, Paris, Chez un marchand de nouveautés, consulté le 10 mai 2018 ;
- Organisation des Nations unies, Déclaration des droits de l’homme, 1948, consulté le 16/1/23 ;
- Charte canadienne des droits et libertés, consulté le 16/1/23 ;
- Assemblée nationale du Québec, Charte des droits et des libertés, 1975, consulté le 16/1/23 ;
- Légende soufie ;
- World Economic Forum, The Future of Jobs, Employment, Skills and Workforce Strategy for the Fourth Industrial Revolution, 2016 consulté le 16/1/24 ;
- Juliette Hough et Becky Rice, Providing Personalized Support to Rough Sleepers. An evaluation of City of London Pilot, Joseph Rowntree Fundation, 2010 ;
- Johannes Hauhofery et Jeremy Shapiroz, Policy Brief : Impacts of Unconditional Cash Transfers
- Bergman, op. cit.
- Interview
- History... ibidem, p. 25
- Is Finland’s basic universal income a solution to automation, fewer jobs and lower wages?, The Gardian, 2017/2/9 ;
- Basic Income Pilot consultation, Ministry of Community and Social Services, Ontario, March 2017
Rappel du lien entre la santé, la pauvreté et l’exclusion sociale
Les dernières avancées de la science de la santé nous ont fait comprendre que la santé d’une personne, de sa famille et de sa communauté dépendait d’un ensemble de conditions. On appelle ces conditions les déterminants de la santé.
Ces déterminants s’influencent les uns les autres et forment un réseau complexe d’acteurs, de décisions, de réalisations, d’environnements, etc. La plupart de ces déterminants sont modifiables.
Depuis plusieurs années aussi, les spécialistes de la santé des populations se sont penchés sur le lien entre pauvreté, exclusion et santé. La relation est sans équivoque. La pauvreté et l’exclusion influent lourdement sur la santé, ce qui se traduit objectivement par une mortalité prématurée et la perte de plusieurs années de vie pour les personnes qui se retrouvent dans ces conditions25.
Dernièrement, un médecin de Toronto expliquait brillamment comment il en était arrivé à prescrire un revenu suffisant aux personnes qui viennent le consulter, en plus des prescriptions traditionnelles de médicaments, d’arrêt tabagique, de saine nutrition et d’activité physique26.
La santé publique cherche donc à influencer le déterminant économique, particulièrement ses composantes qui concernent directement les revenus des personnes, une fois que l’on a sécurisé les mesures universelles comme l’accès aux soins de santé et à l’éducation. Le revenu de base se présente alors comme une autre mesure universelle susceptible d’atténuer considérablement la pauvreté et l’exclusion sociale.
Le caractère universel et inconditionnel des mesures revêt une importance particulière pour lutter contre la discrimination, la stigmatisation et l’exclusion. Les multiples programmes en place actuellement pour lutter contre la pauvreté exigent des gens qu’ils démontrent leur misère. Cette exigence répétée sape le moral, force à l’isolement et à l’auto-exclusion.
- Commission des Déterminants sociaux de la Santé. Combler le fossé en une génération : Instaurer l’équité en santé en agissant sur les déterminants sociaux de la santé. Organisation mondiale de la santé, editor2008. ;
- https://www.youtube.com/watch?v=FLRT0bvaz98 ;
Rappel de la situation socio-économique de la région
Voici un tableau synthétique des deux régions27
01 - Bas-saint-laurent | 11 - Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine | Total | |
---|---|---|---|
Superficie en terre ferme (2016) | 22 185 km² | 20 272 km² | 42 457 km² |
Densité de population | 9,0 hab./km² | 4,5 hab./km² | 6,9 hab./km² |
Population totale (2017) | 199 534 hab. | 91 442 hab. | 290 976 hab. |
0-14 ans | 27 500 hab. | 10 926 hab. | 38 426 hab. |
15-24 ans | 18 820 hab. | 8 016 hab. | 26 836 hab. |
25-44 ans | 43 043 hab. | 17 898 hab. | 60 941 hab. |
45-64 ans | 61 160 hab. | 30 896 hab. | 92 056 hab. |
65 ans et plus | 49 011 hab. | 23 706 hab. | 72 717 hab. |
Variation de la population 2036/2011 | -1,8 % | -3,9 % | -2,5 %2 |
Emploi (mars 2018)¹ | 87 700 | 37 100 | 124 800 |
Taux d’activité (mars 2018)¹ | 54,9 % | 54,6 % | 54,8 %2 |
Taux d’emploi (mars 2018)¹ | 52,1 % | 48,6 % | 51 %2 |
Taux de chômage (mars 2018)¹ | 5,1 % | 11,1 % | 7 %2 |
Taux de faible revenu des familles (2014) | 5,3 % | 7,6 % | 6 %2 |
Revenu disponible par habitant (2016) | 25 203 $ | 25 345 $ | 25 248 $2 |
Pib aux prix de base par habitant (2015) | 33 386 $ | 31 967 $ | 32 940 $2 |
Dépenses en immobilisation (2017) | 1 007 m $ | 356 m $ | 1 363 m $ |
Variation des revenus découlant des biens fabriqués 2012/2011 | 11,6 % | 6,6 % | 10%2 |
- Désaisonnalisés en moyennes mobiles de trois mois.
- Moyenne pondérée en fonction de la population de chaque région.
Les deux régions couvertes par le projet comptent 14 MRC
Chacune de ces MRC est différente et comporte assez de particularités pour représenter les conditions que l’on retrouve dans l’ensemble du Québec sauf peut-être la région de Montréal. Le tableau qui suit examine la répartition de la pauvreté dans chacune des MRC. En annexe 1 et 2, on trouvera un lien vers un portrait complet de chaque région. À l’annexe 5, on retrouve une série de tableaux qui présentent les pourcentages de personnes ayant un faible revenu par MRC pour les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Îles-de-la-Madelaine.
Tableau des personnes vivant sous le seuil de faible revenus en 201528
MRC | Nombre | % de la population |
---|---|---|
Avignon | 2085 | 17,1 % |
Bonaventure | 2810 | 16,3 % |
Côte-de-Gaspé | 2295 | 13,7 % |
Haute Gaspésie | 2490 | 22,8 % |
Îles-de-la-Madeleine | 1340 | 11,0 % |
Rocher-Percé | 3255 | 19,1 % |
Les Basques | 1710 | 20,7 % |
Kamourask | 2705 | 13,5 % |
Matanie | 3845 | 18,7 % |
La Matapédia | 3520 | 20,2 % |
La Mitis | 3300 | 18,8 % |
Rimouski-Neigette | 7260 | 13,3 % |
Rivière-du-Loup | 4210 | 12,9 % |
Temiscouata | 3290 | 17,4 % |
Total | 44115 |
Ces 44 000 personnes verront leur revenu grandement amélioré dans le territoire du projet. Elles vont pouvoir participer davantage à la vie citoyenne et économique, stimulant la croissance des deux régions. Mais parce que sortir de la pauvreté exige bien plus que de satisfaire ses besoins de base pour survivre, l’assurance-revenu de base proposée par le projet bénéficiera directement à environ 175 000 personnes dans le BSLGÎM (les trois premiers quintiles de revenus). Les autres ne toucheront pas de revenu supplémentaire mais bénéficieront grandement de cet argent investi dans l’économie locale. Elle s’en verra revivifiée et des initiatives nouvelles émergeront. De plus, chacune des personnes aura la certitude que, quelle que soit la malchance qui s’abat sur elle ou quelle que soit la décision qu’elle veut prendre pour réorienter sa vie ou sa carrière, elle disposera toujours d’un revenu de base pour reprendre pied.
Proposition de paramètres pour l’expérience
L’objectif du projet est de garantir à toutes les personnes qui résident sur le territoire du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles un revenu inconditionnel équivalent aux besoins de base en s’inspirant de la méthodologie du calcul de la Mesure du panier de consommation (MPC). Ce calcul est actuellement effectué au niveau fédéral avec des résultats au niveau des provinces et territoires. Il ne tient pas compte des différences importantes qui existent entre les localités. Nous utiliserons cette méthodologie dans le projet de démonstration en y faisant entrer des données locales pour s’ajuster à la diversité de la réalité des MRC du Bas-Saint-Laurent, de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madelaine.
Autres programmes
Comme il s’agit d’une expérimentation dans deux régions administratives, tous les autres programmes existant dans le pays continueront de s’y appliquer. Tous les acquis sociaux et les programmes actuels continueront de s’appliquer mais plusieurs deviendront cependant caduques à cause de leurs règles d’admissibilité. Ainsi, tous les programmes de type aide sociale ne seront plus nécessaires parce que personne n’aura de revenu inférieur à la MPC dans le BSLGÎM. Les économies ainsi générées serviront en partie au financement du revenu de base.
Admissibilité
Toute personne physique qui naît ou qui réside sur le territoire depuis au moins trois mois participera au programme. Automatiquement, les personnes recevront en dépôt dans leur compte bancaire un montant équivalent à la MPC de leur MRC de résidence toutes les deux semaines. Le projet disposera de mesures pour aider les quelques personnes qui ne disposent pas de compte bancaire à en acquérir un.
Les personnes emprisonnées qui restent résidentes du territoire continueront à toucher leur revenu de base pour faciliter leur réinsertion sociale.
Les personnes qui meurent ou qui s’établissent définitivement dans un autre territoire cesseront de toucher ce revenu.
Calcul de l’allocation de base
Le revenu de base serait versé selon le calcul de la MPC avec des données qui tiennent compte de la réalité de chaque MRC. Ce calcul sera refait annuellement et le revenu sera aussi ajusté annuellement en conséquence. L’allocation versée sera ajustée année après année en fonction des revenus de l’année précédente. Cependant le système prévoira la souplesse nécessaire pour s’ajuster en cours d’année si un événement venait modifier sensiblement le revenu des personnes.
Un revenu accordé à chaque personne
Notre projet de démonstration considère que le revenu de base doit permettre à une personne adulte vivant seule de survivre sans mettre en danger sa santé et son bien-être et sans hypothéquer son espérance de vie. Le revenu de base sera distribué à chaque personne individuellement. Le calcul classique actuel de la MPC tient compte du fait qu’une personne vit seule ou en ménage et de la taille du ménage. Nous pensons que ces calculs sont inutiles et réintroduisent la notion d’examen des conditions individuelles. Comme le revenu est distribué inconditionnellement, nous ne chercherons pas à savoir si les personnes décident de ne plus vivre seules ni à connaître les liens entre les personnes qui décident de partager un logement. Ce faisant, il est vrai que ce mode de distribution du revenu de base favorisera les personnes qui décident de vivre à plusieurs dans un logement et celles qui décideront d’avoir des enfants. De ce fait, notre projet se trouve à directement lutter contre l’isolement et à encourager la vie familiale, deux déterminants de la santé et du bien-être d’une population. Nous pensons que notre société verra ainsi sa cohésion sociale renforcée. Réciproquement, cette approche évite le lien de dépendance économique qui peut s’installer entre les personnes.
Fiscalité
L’assurance-revenu de base vise à concrétiser le droit de vivre. Elle ne vise pas à enrichir individuellement les personnes qui ont déjà des revenus suffisants pour exercer ce droit. Ces dernières vont naturellement bénéficier de moins d’inégalités dans leur société et de l’augmentation du pouvoir d’achat des plus démunis. Le revenu de base sera donc modulé selon le revenu déclaré à l’impôt l’année précédente. Les règles d’imposition existantes ne sont pas modifiées.
Le montant de base correspond à 1,5 fois le montant du panier de consommation (MPC) pour une personne. Le montant est mis à jour chaque année. En 2021, le montant de base est de 31 150 $.
Le montant donné dépend du revenu. Il est donné au complet pour un revenu inférieur à 7 788 $ (1/4 du montant de base). Le montant versé diminue progressivement pour les revenus plus élevés pour ne plus être versés lorsque le revenu dépasse 62 300 $ (2 fois le montant de base).
ARB (Assurance Revenu de Base) | 31 150 $ | = 1,5 MPC |
---|---|---|
Plein droit avant | 7 788 $ | = 1/4 ARB |
Plus droit après | 62 300 $ | = 2 ARB |
Voici des exemples de revenus sans et avec le revenu de base pour 2021
Bas-St-Laurent, Gaspésie et les Îles-de-la-Madeleine
Revenu sans ARB | Complément ARB | Revenu avec ARB |
0 $ | 31 150 $ | 31 150 $ |
5 000 $ | 31 150 $ | 36 150 $ |
10 000 $ | 29 886 $ | 39 886 $ |
20 000 $ | 24 171 $ | 44 171 $ |
30 000 $ | 18 457 $ | 48 457 $ |
40 000 $ | 12 743 $ | 52 743 $ |
50 000 $ | 7 029 $ | 57 029 $ |
60 000 $ | 1 314 $ | 61 314 $ |
65 000 $ | 0 $ | 65 000 $ |
70 000 $ | 0 $ | 70 000 $ |
75 000 $ | 0 $ | 75 000 $ |
90 000 $ | 0 $ | 90 000 $ |
Coûts
Les coûts d’une expérience sont toujours plus élevés qu’un coût de programme mis en place pour l’ensemble du pays parce qu’on doit maintenir les programmes existants pour les autres parties du pays et qu’on ne peut pas modifier significativement la fiscalité (en ajoutant ou en modifiant les paliers d’imposition, en jouant sur les taxes à la consommation, en taxant le capital, en taxant les transactions financières, etc. qui sont des leviers qui appartiennent aux États ou à certains ensembles d’États).
Par ailleurs, l’estimation des coûts peut tenir compte de plus ou moins de paramètres et d’un plus ou moins grand degré d’incertitude. Il est certain que la première étape du projet comprendra une nouvelle estimation des coûts en mobilisant une équipe interdisciplinaire comprenant des économistes, des fiscalistes, des sociologues, des psychologues, etc. qui, ensemble, pourront raffiner l’analyse. À cette étape-ci, nous proposons une estimation assez imprécise mais tout de même assez valide pour être convaincante pour les premières années.
Le raisonnement suivant permet d’évaluer le coût de cette expérience.
- Hypothèse 1
- Le revenu de base moyen est de 17 500$ par année.
- Hypothèse 2
- La répartition en quintiles du revenu disponible dans le BSLGÎM est la même que celle que l’on retrouve au Québec.
- Hypothèse 3
- La limite des quintiles est établie à la demi de la somme des revenus disponibles par quintiles même si on sait qu’il s’agit d’une moyenne et non d’une médiane.
- Hypothèse 4
- Le revenu de base distribué à chaque quintile de la population est établi en fonction de la moyenne des revenus net que l’on retrouve dans les limites de revenu disponible de chacun des quintiles selon le tableau ci-haut.
Quintile de revenus | Québec | BSLGIM | Nombre de personnes par quintile BSLGÎM | Revenu de base moyen à verser | Total de revenu de base à verser |
---|---|---|---|---|---|
1 | 5 783 $ | 5 237 $ | 58 200 | 17 500 $ | 1 018 500 000 $ |
2 | 17 424 $ | 15 778 $ | 58 200 | 8 371 $ | 487 182 500 $ |
3 | 27 885 $ | 25 250 $ | 58 200 | 2 275 $ | 132 405 000 $ |
4 | 40 032 $ | 36 249 $ | 58 200 | 0 $ | 0 $ |
5 | 69 802 $ | 63 206 $ | 58 200 | 0 $ | 0 $ |
total | 1 638 087 500 $ |
Soit C, le coût du projet et des frais de 15% pour l’administration, les communications et le soutien.
Alors C = 1 638 087 500 $ + 0,15 x 1 638 087 500$
Une fois les calculs effectués, cela nous donne un coût de projet de 1 927 000 000 (en arrondissant au million près). C’est près de 20% du PIB du BSLGÎM (9,5 milliards). Actuellement le gouvernement investit 11% du PIB de la région en soutien au revenu. En effet, on sait que le fédéral et le provincial ensemble investissent annuellement environ 30 milliards dans divers programmes pour soutenir le revenu au Québec. Au prorata de la population cela donne 1 049 040 795$ pour le BLSGÎM. Le montant exact est probablement plus élevé, étant donné le niveau de défavorisation de nos régions. La plupart de ces programmes deviendront inutiles avec le revenu de base. Le coût annuel marginal du projet peut donc être aisément ramené à environ 800 M$.
Mais le coût net est certainement moins élevé. Non seulement faut-il s’attendre à une croissance économique mais on sait que les dépenses de santé, de services sociaux, de justice, etc. diminuent significativement dans les populations où on a fait l’expérience du revenu de base.
Si les hypothèses du projet se confirment, ce montant diminuera année après année jusqu’à un seuil incompressible correspondant au soutien inévitable aux personnes non autonome ou en perte d’autonomie ainsi qu’aux personnes qui choisiront un mode vie ancré sur le revenu de base. Si on se base sur le seuil de faible revenu des personnes des 65 ans et plus, bénéficiaires du programme de pension, ce seuil devrait osciller entre 3 à 5% de la population. En termes de coûts on devrait donc ramener les investissements nécessaires de 1 milliards$, qu’ils sont actuellement, à environ 250 M$ par année (toute chose étant égales par ailleurs).
L’assurance-revenu de base exige un investissement plus grand que celui qui est actuellement consenti. Mais cet investissement a de très bonnes chances de donner des résultats très tangibles. L’argent actuellement investi ne sert qu’à stabiliser la situation.
Durée
Le projet de démonstration doit avoir une durée d’au moins vingt ans. Une des faiblesses de toutes les expériences antérieures est leur courte durée. On parle ici d’un changement majeur de culture économique. Les personnes et les institutions qui y prendront part n’auront pas la même attitude et ne pourront pas prendre les mêmes décisions si elles n’ont pas la garantie d’un changement à très long terme.
- Profils region 01 consultés le 29 avril 2018 ;
- Tableau des personnes vivant sous le seuil de faible revenus en 2015 ;
Validité du projet
Philippe Van Parijs, un expert reconnu en revenu de base, a soulevé trois limites qui entachent les expériences de revenu de base menées jusqu’ici dans le monde et rendent difficile leur généralisation.
La première est le fait que la durée des expériences est définitivement trop courte. Nous avons déjà discuté de cette question et nous avons proposé une durée de 20 ans pour contourner cette limite.
La deuxième est que les personnes qui risquent d’être pénalisées ou simplement non intéressées par leur participation parce qu’elles ont un revenu trop élevé déjà, ne participeront pas, biaisant ainsi l’aspect universel du programme. Effectivement, cela pourrait même renforcer un processus de stigmatisation et d’exclusion. Notre projet inclut toutes les personnes qui vivent sur le territoire couvert par les régions administratives du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Les-Îles sans exception. Il n’est donc pas soumis à cette limite.
La troisième limite est l’impossibilité de mesurer l’effet sur le marché du travail d’une telle expérience à cause de la durée limitée (on a considéré cette question) et le petit nombre de personnes au regard du marché considéré. En embrassant les deux régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Les-Îles, nous couvrons entièrement un marché régional. Notre proposition ne prête donc pas flanc à cette limite.
Le processus d’évaluation qui soutiendra le projet sera attentif à ces questions. La discussion de ces limites nous amène à penser que ce projet de démonstration devrait permettre de tirer des leçons valides, au moins pour les 51 pays dont l’indice de développement humain est très élevé.
Angles de recherche
Il nous semble évident que l’assurance de disposer d’un revenu de base à toutes les personnes résidant dans le Bas-Saint-Laurent, aix Îles-de-la-Madelaine et en Gaspésie amènera des changements dans plusieurs aspects de la vie des personnes et des collectivités. En plus de vérifier la faisabilité administrative de ce type de redistribution de la richesse, notre projet pilote devra observer et documenter les données relatives à ces divers aspects. Les principaux domaines de recherche qui seront interpellés par notre expérience sont :
- Santé - indices de santé des personnes et des populations, impacts sur la nutrition, statistiques de fréquentation par service, comparaisons de coûts, ...
- Société - effets sur le tissu social, incidences sur la participation citoyenne, impacts sur la judiciarisation et la criminalité, ...
- Éducation - taux de persévérance et de réussite scolaire, accès aux études supérieures ou à des formations spécialisées, conciliation travail / études, ...
- Économie - degré d’amélioration des conditions de vie et du pouvoir d’achat, incidence sur le développement économique local, régional et inter-régional, impact sur l’autonomie des femmes et sur l’équité, ...
- Démographie - effets sur la rétention des jeunes et leur participation sociale et économique, incidence sur les mouvements migratoires, ...
D’autres domaines de recherche pourront s’ajouter. Comme notre projet sous-entend un changement de paradigme social, ses effets se feront assurément sentir de bien des façons et sur divers aspects de la vie des gens, tant dans la sphère privée que publique. Il nous semble donc pertinent d’ouvrir la porte à toute initiative de recherche qui pourrait contribuer à clarifier le portrait de cette société que notre expérience aura fait éclore.
Conclusion
Il serait souhaitable qu’une approche de revenu de base soit implantée d’emblée sur tout le territoire du Canada ou du Québec. Plusieurs forces vont dans ce sens. Mais en absence d’adhésion suffisante, un ou des projets d’expérimentation peuvent permettre de dégager des leçons et contribuer à l’obtention d’un consensus social. Les régions du Bas-Saint-Laurent et de la Gaspésie-Les-Îles, de par leur isolement relatif et leurs conditions socioéconomiques, se prêtent bien à ce genre d’expérience.
Nous avons discuté des limites théoriques soulevées pour mettre en doute la validité externe de tels projets d’expérimentation. Nous sommes donc confiants que notre projet apportera une avancée majeure à la démonstration des effets d’un revenu de base inconditionnel et universel sur une société membre de l’OCDE.
Annexes
Annexe 1 : Bulletin statistique régional de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madelaine
Annexe 2 : Bulletin statistique régional du Bas-Saint-Laurent
Annexe 3 : Portrait de santé de la population de la Gaspésie et des Îles
Annexe 4 : Portrait de santé de la population du Bas-Saint-Laurent
Annexe 5 : Pourcentages de personnes ayant un faible revenu par MRC
La situation de faible revenu est déterminée en fonction de la mesure de faible revenu, après impôt (MFR-ApI). Pour un ménage d’une personne, la MFR-ApI était de 22 460 $ en 2015. Pour les ménages de plus grande taille, le montant a été rajusté à la hausse en étant multiplié par la racine carrée de la taille du ménage. Les personnes vivant dans un ménage privé dont le revenu après impôt était inférieur à ce seuil étaient considérées des personnes à faible revenu.